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Restaurant Gualtiero Marchesi

Unanimement considéré comme le chef italien le plus connu au monde, Gualtiero Marchesi est né à Milan dans les années 30.  Il est issu d’une famille de restaurateurs et passionné d’art. Après une première expérience dans l’auberge familiale, Marchesi a suivi une formation hôtelière en Suisse, pour se perfectionner par la suite en France, au sein d’un des restaurants les plus prestigieux de l’époque. Il ouvre son premier restaurant à Milan en 1977 et rencontre le succès immédiatement : une étoile au Guide Michelin en moins d’un an et, en 10 ans, Marchesi a été le premier italien à « conquérir » les ambitieuses trois étoiles françaises. Génial et révolutionnaire, en cuisine comme dans la vie, il conteste en 2008 le système de vote du Michelin et « renvoie à l’expéditeur » ses trois étoiles. Maître de plusieurs chefs italiens contemporains (Cracco, Oldani, Berton, Crippa…), Marchesi est aussi le fondateur et recteur de l’ALMA (Ecole Internationale de Cuisine Italienne), et Chevalier du Mérite en Italie et en France. Le chef milanais, connu et apprécié de tous, est devenu Ambassadeur de l’Expo Milano 2015: c’est ainsi qu’il est en venu à faire partie de la grande famille de l’Exposition Universelle.

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Gualtiero Marchesi – Plates

POINT DE VUE WAKAPEDIA

Gualtiero Marchesi

Parmi toutes les personnes que j’ai interviewées pour Wakapedia, Gualtiero est sans aucun doute l’une des personnes à qui je suis le plus attachée. Je l’ai connu quand j’avais 6 ans et que mes parents m’emmenaient déjeuner dans son restaurant à Erbusco. J’adorais cet endroit, il y avait des poulets, des lièvres et plein d’autres animaux qui gambadaient dans le pré et moi, bébé Waka, je leur courais après comme une folle. Mais je me rappelle que, un jour, alors que je mangeais mon plat de viande, il s’est approché et m’a dit « ça c’est le lapin après qui tu courais dans le jardin, nous l’avons tué pour toi ! il est bon hein ?

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En revanche le pigeon que tu as goûté il venait du Duomo”.  Je l’ai regardé avec peur et suspicion. Ma première impression de bébé Waka était que Gualtiero était un méchant roi qui voulait m’engraisser pour mieux me manger ensuite, comme dans Hansel e Gretel! Un autre épisode m’a en revanche fait changer d’avis : quand j’ai goûté pour la première fois son « risotto et or ». Je n’étais encore qu’une enfant (mais déjà avec un fin palais de gourmet !) et je trouvais qu’il s’agissait du meilleur risotto au monde. Ne sachant rien de la grande cuisine, je lui dis naïvement « Je veux encore ! », comme si j’étais à la cantine de l’école. Et tandis que mes parents me regardaient avec des yeux exorbités cherchant à me faire changer d’avis, Gualtiero m’a apporté un risotto – cette fois à l’encre de seiche – avec une feuille d’or : un plat dont je me souviendrais toute ma vie tellement il était beau. La même surprise, la même jouissance des sens et du palais, je l’ai connu à chaque repas dans son restaurant. Cette interview a été l’occasion unique de mieux connaître « Papi Gaultiero », d’écouter son histoire, de discuter art, cuisine et famille, comme je ne l’avais jamais fait auparavant !

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Gualtiero Marchesi – Plates

Sara Waka: Bonjour Monsieur Marchesi! Ça fait longtemps ! Pouvez-vous me raconter votre histoire ?

Gualtiero: Elle est bien longue! Il y en a des choses à raconter !

Sara Waka: Je vous crois! Vous avez fêté l’autre jour vos 85 ans ! Vous n’avez qu’à me raconter la version courte ! (Rires)

Gualtiero: Je suis le fils de deux parents merveilleux: ma mère état une grande dame par sa politesse et sa façon d’ordonner les choses avec une douce fermeté; mon père était un grand passionné de théâtre et de musique. Je suis un mélange des deux. Ma mère n’a fait qu’une seule erreur, qui fut ma plus belle chance : bien que depuis tout petit je dessinais très bien, elle m’a inscrit dans une école de techniques industrielles, et non à Brera. Inutile de te dire que ce fut un désastre et que j’ai été viré.

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Piero Manzoni – Artist’s Shit

Sara Waka: Toi aussi tu as été recalé??? Moi aussi au lycée ! Ahahahah (A noter que, à peine deux minutes se sont écoulées et Sara le tutoie. Incorrigible ! ndr)

Gualtiero: Mais oui, nous les recalés, on a une marche de plus. On se refait au second tour ! Moi en revanche, après avoir été viré, j’ai changé de direction et je suis allée au Kulm di Saint-Moritz, un des hôtels les plus beaux, prestigieux et importants au monde. C’est là-bas que j’ai compris que je voulais faire carrière dans l’hôtellerie. Je suis donc parti étudier à Lucerne, dans une école Suisse-allemande. J’ai d’abord appris les langues et ensuite je me suis spécialisé en cuisine. Mais j’évoluais aussi dans le milieu artistique: j’ai passé ma jeunesse dans le climat stimulant de la Scapigliatura milanaise (mouvement littéraire et artistique qui s’est développé en Italie du Nord, le terme est la traduction libre du mot français « bohème ») avec Pomodoro, Tadini, Manzoni, qui étaient tous dans mon cercle de connaissance. Nous trainions toutes les nuit jusqu’à 4h du matin ! Grâce à mon père et à mon groupe d’amis je me suis pris de passion pour l’art et la musique. Je suis même inscrit à des cours de piano.

Sara Waka: Tu vois nous avons beaucoup de choses en commun! Entre les études qui finissent mal et la musique classique… Moi aussi j’ai fait le conservatoire, choriste pendant deux ans !

Gualtiero: Ah oui? Moi aussi je chante très bien ! Dis-toi que la sonnerie du restaurant je l’ai faite en collaboration avec Elio e le Storie Tese…nous chantons ensemble, un morceau chacun !

Sara Waka: Noon, génial! (rires)

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Gualtiero Marchesi – Plates

Gualtiero: Même si il n’arrête pas de sonner, il est lié à la musique (aussi parce que j’ai épousé ma professeur de piano, Antonietta, qui est toujours ma femme). Et, comme je disais, j’ai toujours été intéressé par l’art, sous toutes ses formes. Mais ma grande passion de toujours c’est la cuisine. Je m’y suis dédié à 100% et j’ai eu beaucoup de succès. J’ai eu les plus beaux clients au monde : Visconti, Fellini, tous les grands de l’époque mangeaient chez moi. J’ai grandi à l’Albergo del Mercante, entouré de grands chefs, parce qu’à l’époque la Grande Cucina professionnelle se faisait dans les auberges. C’est après que se sont développés les restaurants avec la Nouvelle Cuisine française.

J’avais 38 ans et je suis parti à Paris, pour m’y faire une expérience et apprendre la grande cuisine internationale : j’ai travaillé à Paris, Dijon, à la Maison Troisgros à Roanne, toujours dans les meilleurs restaurants. Dans le dernier, j’ai eu un grand naître. Là j’ai compris que j’étais prêt à prendre mon envol, je me suis dit « ça y est je peux y aller ». J’avais compris ce qu’il fallait faire en cuisine.

Sara Waka: Qu’est-ce que tu avais compris?

Gualtiero: J’avais compris comment cuisiner, j’avais assimilé les bases. Par exemple, comment contrôler le rapport entre l’intensité du feu et l’épaisseur de la poêle : si tu connais ce concept tu ne peux pas te louper. Le célèbre compositeur Bela Bartòk disait : “L’improvisation suppose la connaissance du matériel. » Et c’est vrai, si tu connais la matière, tu ne peux pas te tromper. Toi qui es japonaise tu le sais bien : la matière ne doit pas être gâchée, mais valorisée. Je te raconte une anecdote : un de mes chers amis a été invité par le consul italien de Tokyo à diner. Ce soir-là il m’appelle tout excité et me dit : « Gualtiero, tu sais ce que je suis en train de manger ? La colonne vertébrale d’un thon de 80 tonnes. On creuse dans les vertèbres pour trouver la meilleure chaire. » Voilà, ça c’est savoir dénicher les bons points de la matière et savoir l’utiliser. Vous êtes effrayants vous les japonais, vous êtres trop en avance ! Bref pour en revenir à mon histoire… en 77 j’ai ouvert mon premier restaurant, à Milan, rue Bonvesin de la Riva. Je faisais, comme je l’appelais moi, une cuisine entière, parce que j’utilisais tout. J’ai eu un énorme succès : après 6 mois j’ai obtenu ma première étoile, après un an deux étoiles puis la troisième en 85. Mais après j’ai renoncé à tout ça.

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Gualtiero Marchesi – Plates

Sara Waka: Mais pourquoi as-tu refusé les étoiles Michelin si enviées par tous?!!

Gualtiero: Parce que je contestais leur méthode d’évaluation. A ce propos, il y a une phrase en laquelle je crois beaucoup « La science est objective, le goût est subjectif ». Quand je parle de goût je ne me réfère pas uniquement à la cuisine, mais aussi au goût esthétique et musical. Je ne suis pas d’accord sur le fait qu’il faille juger, critiquer tout le temps. C’est impossible un jugement « exact » d’un concept aussi variable. Imagine, le même plat change autant de fois qu’on le fait : ils sont tous bons mais « bons d’une façon différente », tout comme moi je suis vieux mais « jeune d’une autre façon » (rires). C’est une autre façon de voir et de juger les choses…

Sara Waka: Alors moi je te récompense avec… l’étoile Wakapedia! Ta cuisine est basée sur la tradition italienne que tu as su réinventer, la rendant moderne et internationale !! Tu mérites une méga étoile WAKAPEDIA !

Gualtiero: Ahahahah, je te remercie… le monde change et la cuisine avec! Je pense que la cuisine féminine est toujours bonne, même quand elle est imparfaite techniquement, parce qu’elle est faite avec amour et dévotion. La cuisine masculine, en revanche… beh, celle-là est pleine de masturbations intellectuelles!

Sara Waka: Qu’est-ce que tu en penses de l’Expo? Je sais qu’ils t’ont choisi pour en être le Chef Ambassador 2015 ?

Gualtiero:  L’Expo me fait très peur, ehehe! C’est un vrai challenge pour Milan. Mais j’ai beaucoup apprécié une phrase de notre Président du Conseil qui a dit récemment : « Donnons-nous à tous les moyens pour faire en sorte que l’Italie soit fière ».

Sara Waka: Ahahah, bonne blague!!Ups… excuse-moi. Enfin, je voulais dire… moi aussi je suis très excitée par l’Expo !

Gualtiero: Nous devons montrer à tous la grandeur de la gastronomie italienne.Paul Bocuse a dit lui-même: « La cuisine française sera en décadence quand les chefs italiens se rendront compte du patrimoine de recettes et de produits qu’ils ont ». Tu comprends ! Même l’un des plus grands chefs au monde du XXème siècle le dit! Il faut faire comprendre à tout le monde que la cuisine fait partie du patrimoine historico-culturel d’un pays au même titre que les arts!

Sara Waka: Wow, quand je parle avec toi j’ai l’impression de lire une encyclopédie! L’Encyclopédie Marchesi! A présent dernière question rituelle ! Tu me fais un bisou ?

Gualtiero : Mais bien sûr! A mon âge, il ne me reste que cela ! Pourquoi ne pas en profiter ?!

Sara Waka: Oui, en plus tes amis t’ont déjà fait tellement de cadeaux, que tu pourrais ouvrir un musée à ton nom! (En effet, dans son restaurant “Il Marchesino”, Gualtiero est entouré de toute sorte de cadeaux, reçu de connaissances et d’amis pour son anniversaire, ndr)

Gualtiero: J’y penserai!

(rires)

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Sara Waka – Gualtiero Marchesi

Description & Interview: Sara Waka

Edited by: Federica Forte